Je constate avec tristesse depuis quelques années une montée du niveau d’anxiété chez mes jeunes élèves. Comme la pratique des arts martiaux et de l’autodéfense repose sur la protection de son intégrité physique et mentale, je me suis senti mal outillé pour repousser cet ennemi de plus en plus présent : l’anxiété.

J’ai alors commencé mes recherches sur internet, regardé des dizaines de vidéos, consulté des livres pour mieux cerner ce qu’est l’anxiété. J’ai ensuite médité afin de réaliser les moments de ma vie où j’ai moi-même vécu des épisodes d’anxiété.  À titre d’exemple, je vivais beaucoup d’anxiété à la fin de ma carrière compétitive et pas à cause de la compétition en soi, mais par rapport au regard qu’avaient mes élèves sur moi.  J’étais moins stressé d’aller faire un championnat du monde en Allemagne que de participer à une compétition de petite envergure devant mes élèves. Bref, j’ai vécu de l’anxiété sociale causée par mon ego.

Avant d’entamer mes recherches, je me suis rapidement rendu compte que je distinguais mal le stress / anxiété / peur. Alors débutons par définir ceux-ci.

Définitions

Le STRESS est déclenché par des événements actuels, c.-à-d. qui se déroulent ici et maintenant ou se produiront dans un avenir très rapproché. Il entraîne une réaction de l’organisme nous permettant de faire face à une menace ou une agression, réelle ou perçue. Cette réaction s’accompagne d’un inconfort corporel plus ou moins important. [1]

Exemple: Roxanne est prise dans un bouchon de circulation. Une voiture se faufile à vive allure devant elle; celle de derrière se tient beaucoup trop près. On entend le bruit des Klaxons et celui des freins qui crissent. Roxanne est stressée.

L’ANXIÉTÉ est, pour sa part, une peur projective ou anticipative. C.-à-d. orientée vers un avenir plus lointain. Cet état de trouble et d’agitation est aussi accompagné d’un malaise physique, au degré d’intensité variable. Les inquiétudes soulevées sont souvent excessives, voire irréalistes, et généralement alimentées par la métacognition (notre petite voix intérieure) [1]

Exemple : Hugo est pris dans la circulation. Les voitures sont immobiles et aucun mouvement réel n’est observable. L’heure avance et il anticipe son retard à la garderie, où il doit récupérer son garçon avant la fermeture. Hugo est anxieux.

La PEUR est un sentiment d’angoisse éprouvé en présence ou à la pensée d’un danger, réel ou supposé, d’une menace. [2]

Il importe également de mentionner que le stress et l’anxiété sont jusqu’à un certain point, très positifs.  Ils nous ont permis de survivre jusqu’à aujourd’hui et agissent parfois comme stimulants dans certaines situations comme la préparation à un examen ou pour une compétition. Mais comme dans toute chose, l’équilibre est de mise.  Le problème se pose lorsque le stress et l’anxiété engendrent des effets négatifs.

Le stress du vrai CINÉ! [1]

  • Le manque de Contrôle : le sentiment d’impuissance, l’impression de ne pas contrôler la situation ou de ne pas être en mesure de l’influencer engendre du stress.
  • L’Imprévisibilité : faire face à un événement complètement inattendu ou ne pas savoir d’avance ce qui va se produire.
  • La Nouveauté : lorsque quelque chose qu’on n’a jamais expérimenté antérieurement survient, cela s’accompagne assurément d’une certaine dose de stress.
  • L’Ego menace : le stress peut aussi découler de l’impression que nos compétences sont mises à l’épreuve ou que nos capacités sont contestées.

Deux systèmes d’alarme : RÉEL et FICTIF [3]

Système d’alarme de la PEUR

  • Danger RÉEL → Tu vis de la PEUR → Ta PEUR déclenche une ALARME →Ton corps reçoit un SIGNAL DE DANGER et se prépare à affronter efficacement ce danger.

Système d’alarme de l’ANXIÉTÉ

  • Danger IMAGINÉ → Tu vis de la PEUR → Ta PEUR déclenche une FAUSSE ALARME →Ton corps reçoit un SIGNAL DE DANGER et se prépare à l’affronter, même si cela n’est pas nécessaire.

L’évitement, l’évitement et l’évitement!

Le symptôme le plus fréquent pour détecter l’anxiété est : l’évitement. Que ce soit fait consciemment ou non, via l’autodénigrement et/ou sabotage en utilisant une argumentation plus ou moins crédible, et malgré l’envie, s’exclure de la source anxiogène n’est pas recommandé pour ne pas créer un effet d’engendrement qui sera encore pire avec le temps. Il est plutôt recommandé de cheminer progressivement vers l’élément anxiogène afin de l’apprivoiser et le résoudre.

Formes générales d’anxiété

Il existe plusieurs formes d’anxiété : généralisée, de séparation, sociale (peur d’être embarrassée, humiliée ou rejetée par les autres), agoraphobie (lieux clos : File d’attente, foule…), trouble obsessif compulsif (T.O.C.), mutisme sélectif, phobie spécifique (peur des insectes, prendre l’avion, hauteur …) et les troubles paniques [4]. Naturellement, si votre anxiété est très prédominante, alors il vous faudra plus qu’un Sensei (professeur d’arts martiaux) pour vous aider, mais un psychologue clinicien.

Les antidotes des arts martiaux contre l’anxiété

La relaxation et visualisation

Généralement, lors de la pratique de la plupart des arts martiaux, la séance débute avec un moment de méditation permettant d’apprendre à relaxer, respirer, se centrer, être en communion avec soi-même et en pleine conscience avec ses pensées. À la fois, en extension à la méditation, le pratiquant apprend à développer la visualisation (par exemple, pour revivre un mouvement ou pour visualiser un kata). Cette même visualisation est un outil puissant lorsqu’on est anxieux afin de s’imaginer dans un endroit sécuritaire ou relaxant (ex. la forêt, la plage, sa chambre) et d’évoquer ses sens (ex. musique, odeur, goût…). De plus, la visualisation préparatoire pour les compétitions peut être utilisée pour s’imaginer en train de réaliser avec brio l’activité anxiogène. Or, plusieurs méthodes de respiration sont enseignées via des katas respiratoires ou avec des méthodes comme la cohérence cardiaque. 

La confiance en soi

Il est connu que la pratique des arts martiaux est excellente pour la confiance en soi puisqu’elle se fait dans un cadre externe aux institutions scolaires ou entreprises qui sont source d’intimidation. Le dojo (lieu où on pratique les arts martiaux) est un lieu sain où les pratiquants se respectent mutuellement. Ensuite, la pratique en duo et en petits groupes facilite le sentiment d’appartenance à un groupe où rapidement on sentira qu’on forme une 2e famille bienveillante. Chaque exercice, mouvement, démonstration, affrontement … sont potentiellement des sources de petites victoires qui, additionnées ensemble, multiplient le sentiment d’accomplissement et son estime personnelle.

Le rythme de vie

Avec notre rythme de vie accéléré (saviez-vous que les enfants sont soumis plus de 100 fois/jour à des consignes d’accélération ?) la pratique des arts martiaux est un moment parfait pour mettre pause sur notre vie courante pour pouvoir se recueillir dans la pratique de notre art.

La pensée positive

Qu’arriverait-il de votre jardin si on lui versait du liquide sulfurique dessus ? Il faut prendre soin du jardin de l’esprit et chaque fois qu’on voit une pensée anxiolytique, on l’écoute, l’efface et la remplace par une pensée positive. Voici des exemples d’une pensée positive :

  • S’ennuyer, c’est désagréable, mais ce n’est pas dangereux.
  • Souviens-toi des situations nouvelles que tu as bravées avec courage.
  • Il se peut que tu dormes moins bien, mais il se peut aussi que tu t’endormes facilement.
  • S’il t’arrive de pleurer, il serait surprenant qu’un ami se moque de toi.
  • Au fond de toi, tu as vraiment le goût de passer par-dessus. Ne laisse pas la peur t’empêcher.

Faire de l’exercice

Il est connu que l’activité physique a des effets positifs anti-anxiogènes :

  • Libère l’excès d’adrénaline
  • ↑l’endorphine (hormone plaisir), ↑ la dopamine (vigilance et du plaisir), ↓cortisol (l’hormone du stress), ↑sérotonine (régule l’activité cérébrale, le sommeil, l’appétit, la douleur, l’humeur, l’anxiété, la dépression.)
  • Relâche les tensions musculaires et les frustrations
  • Augmente la capacité pulmonaire
  • Meilleur sommeil 

Les Dojo kun de l’anti-anxiété!

Les dojos kuns sont des règles de conduite afin de guider le pratiquant à avoir un développement psychologique et spirituel en concordance avec la pratique des arts martiaux.

  • Acceptation met fin à la lutte
  • Être gentil avec soi
  • Abandonner son orgueil
  • Connectez-vous à ce qui se passe maintenant
  • Ayez pitié de vous
  • Tolérez l’incertitude
  • Soyez patient avec vous
  • Approchez-vous de la sérénité
  • Gonflez votre amour-propre
  • Soyez parfaitement imparfait!
  • Découvrez ce qui est vraiment important pour vous
  • Établissez des priorités
  • Obtenez l’aide des autres/déléguer
  • Sachez dire “non”
  • Se connecter avec soi-même et s’accepter

 

Deux méthodes complémentaires

Ces deux méthodes ont pour objectif de morceler les éléments anxiogènes afin de réduire ou rationaliser l’ensemble des morceaux qui ne sont pas réellement des phénomènes anxieux.

Pile de cubes

  • Décrire chaque étape pour arriver à un résultat
  • Pondérer chaque étape sur le niveau d’anxiété/stress
  • Défaire chaque boîte et réduire au minimum le
    niveau d’anxiété/stress

Exemple, une personne est anxieuse face à la participation à une compétition. Alors on regarde la liste des éléments anxiogènes. Préparer mon sac avec tout le nécessaire, ne pas dormir la veille, ne pas avoir faim le matin, se rendre à l’événement, trouver du stationnement, me changer dans les vestiaires, etc. Ensuite on peut pondérer chaque étape et trouver des idées ou tentatives de solutions pour résoudre chacune d’entre elles. Par exemple, préparer mon sac de karaté pourrait être pondéré à 5/10 : une solution serait de faire une liste à cocher de chose à apporter et faire la vérification 24-48h avant l’événement et même demander à une autre personne de double vérifier. La pondération du niveau de stress pourrait donc descendre à 1/10.

La méthode des petits pas

  • 1re étape : Nomme ta peur et précise l’objectif que tu veux atteindre.
  • 2e étape : Énumère les PETITS PAS à franchir, en commençant par ce qui te fait moins peur, jusqu’à ce l’atteinte de l’objectif.
  • 3e étape : Avance un PETIT PAS à la fois en utilisant les trucs que tu as appris dans les sections précédentes.

Prenons comme exemple la préparation aux examens de ceinture. La peur pourrait être d’échouer (donc de décevoir ses proches ou d’avoir une atteinte à son estime personnelle). Méthode des petits pas: 1- faire tous les mouvements seuls qui seront demandés. 2- demander à une personne qu’il te demande tous les mouvements pour pratiquer. 3- Faire le prétest. 4- Se présenter à l’examen.

Conclusion

De nombreuses personnes arrivent par elles-mêmes à surmonter leur anxiété ou du moins à vivre mieux avec elle, en adoptant des stratégies qui s’apparentent à celles que nous avons décrites ici. Dans le cas où vos efforts pour venir à bout de ces difficultés ne suffisent pas, n’hésitez pas à faire appel aux services professionnels de psychologie et ne vous blâmez pas si vous connaissez des rechutes. N’oubliez pas l’adage japonais qui dit : « tomber 7 fois, se relever 8 fois ! »

Larry Foisy

 

Références

[1] Stress et anxiété, stratégies et techniques pour les gérer, Ariane Hébert, Édition Mortagne, ISBN: 9782897921699.

[2] Dictionnaire virtuel Larousse, https://www.larousse.fr/

[3] Incroyable moi, maîtrise son anxiété, Nathalie Couture, Geneviève Marcotte, Édition Midi Trente, ISBN : 2924804507

[4] Guérir l’anxiété pour les nuls, Charles H. Elliott, Laura L. Smith, Martine André, ISBN : 978-2-7540-1195-2