Bien qu’il soit d’usage d’utiliser les trois temps qui sont avant, pendant et après qui reflète une réalité intrinsèque de la vie, il est d’usage d’être plus précis dans la pratique des arts martiaux. D’où il est usuel s’employer Sen-no-sen, Tai-no-sen et Go-No-Sen par simplicité, mais il y a certaine subtilité. À titre d’exemple le passé c’est il y a une minute et l’instant où vous venez de terminer de lire ces mots. Il en va de même pour le futur.

Bien ”Sen” est souvent représenté par avant, il serait selon mon opinion plus juste de représenter « sen » comme l’intention qui donne une traduction qui est Sen-no-sen comme intention pendant l’intention plutôt que l’attaque durant l’attaque. En considérant « sen 先 » comme une intention, ceci libère que lorsqu’on a une prise de décision et l’intention de poser une action, un effort inconscient d’environ 0.5 seconde s’enclenche pour exécuter l’intention, ainsi mobiliser son « ki », l’énergie nécessaire pour passer à l’action. Cette énergie subtile devient pour un pratiquant expérimenté et sensible à celui-ci perceptible pour une juste riposte.


Sen-sen-no-sen 先先の先 Anticiper une attaque avant l’intention/attaque.

L’intention avant l’intention, bien qu’il soit connu qu’il n’y a pas de première attaque en karatédo. (Karate ni sente nashi 空手に先手なし), toutes les compétitions de karaté seraient impossible si aucune initiative n’était enclenchée. (D’où philosophiquement, l’aïkido ne peut pas être un sport compétitif).  Il paraît simple de simplement attaquer, mais ceci demande une extrême maîtrise de soi afin de ne pas laisser aucun signal corporel ou psychique de notre intention d’attaquer.

 

Sen-no-sen 先の先 et Taï no sen 対の先 Anticiper une intention/attaque et prendre l’initiative.

Lorsque l’opposant engage l’intention d’attaquer, notre riposte arrive dans la mesure du possible simultanément. Afin de rendre ceci possible, l’anticipation est nécessaire. Elle peut être tactique comme, faire faire à son adversaire ce qu’on a décidé qu’il fasse, ce qui demande un grand niveau de maîtrise de l’art du combat. Ou encore par analyse, déduction l’action que l’opposant fera. Ou par intuition, qui demande une connexion avec soi-même et l’opposant. Par distinction, Sen-no-sen à l’instant où l’intention adverse se matérialise, la contre-attaque se fait dans le même temps que l’attaque. Exemple, l’opposant avance un pas pour attaquer et lorsque le pas est fait, la contre-attaque arrive avant même l’exécution de la technique de l’opposant. Taï-no-sen engendre une contre-attaque en même temps, mais en faisant une esquive. Exemple, l’opposant avance un pas et lance un coup direct, la contre-attaque est faite simultanément en sortant de la ligne d’attaque. D’où un tai-no-sen est un sen-no-sen, mais un Sen-no-sen n’est pas forcément un tai-no-sen (considérant l’esquive).

 

Gō-no-sen 後の先 et machi no sen Pour répondre à une intention/attaque après son initiative.

Lorsque l’opposant pose son action et que vous êtes en mode réaction en parant un geste et en ripostant. Ceci peut être un mouvement de recul pour réavancer, un blocage et une contre-attaque, etc. Dans le cas de machi no sen, nous avons encaissé l’attaque ou encore il a réussi à nous saisir et nous secondons d’une attaque. Ce scénario est très fréquent en autodéfense ou nous avons été pris à défaut par un moment de surprise et devons riposter, mais l’autre à un coup d’avance (au sens propre et figuré !).

En guise de conclusion, selon moi, un des états les plus difficiles à obtenir pour arriver au mitsu no sen qui est complémentaire est le concept de Shingan (Yeux du cœur/esprit). Ce principe m’a été partagé par Jean-Noël Blanchette (9e dan, Hanshi) qui le démontre en se plaçant dos à son opposant, les yeux fermés et les doigts dans es oreilles pour isoler les sens. Ensuite l’opposant choisit un moment opportun de ce choix pour attaquer avec vigueur et le pratiquant doit faire un ushiro geri pour le stopper. Ainsi ce travail complémentaire demande de ressentir le « ki » (énergie)  de l’assaillant.

Maintenant qu’on a le savoir, il vous reste à tout mettre en pratique 10 000 fois afin d’en avoir le savoir-faire associé et espérer un jour faire savoir aux autres que vous connaissez et maîtrisez ce concept.

Larry Foisy
5e dan, Renshi en Karatedo Shorinjiryu Kaizen
3e dan, Sensei en Iaido Muso Jikiden Eishin Ryu
2e dan, Kyusho jitsu
Karatedo Shihan – D.N.B.K.