La première idée qui me vient à l’esprit quand je lis le deuxième précepte martial de Gichin Funakoshi est que le karaté ne doit pas être utilisé pour déclencher un combat ou inciter à la violence, mais est-ce tout? Je pense que Funakoshi aurait pu être plus direct en nous disant : « le karaté est uniquement pour la légitime défense », ce qui me fait penser qu’il y a plus derrière cette phrase.
Avant de continuer, je veux faire une parenthèse pour reconnaître que ces préceptes peuvent avoir une signification complètement différente pour chacun de vous selon votre âge et si vous êtes un karateka novice, intermédiaire, avancé ou quelqu’un qui pratique le karaté depuis de nombreuses années.
Dans mon interprétation, ce Kyokun martial nous parle de deux moments. Le premier est « l’avant » et je rapporte cela à une citation de Sensei Hironi Otsuka, le fondateur de l’école Wado Ryu « Il n’y a rien de plus malheureux que de se trouver dans une situation où il faut utiliser les arts martiaux pour se protéger. Le but de l’entraînement est de se préparer intensivement à son utilisation et en même temps de rechercher un état dans lequel l’art martial ne doit pas être utilisé. Il faut donc rechercher en permanence le chemin de la paix”. En résumé, on doit être prêt et s’entraîner, pas justement pour éviter la confrontation, mais pour chercher la paix.
Cependant, je pense aussi que Funakoshi nous parle d’un « pendant ». Pour moi en karaté, l’observation et le contrôle des émotions sont une partie fondamentale de mon développement en tant que combattant. Funakoshi lui-même dit dans son livre Karaté-do Kyohan que ce n’est que lorsque vous n’avez aucune possibilité de vous échapper que vous devriez considérer les techniques d’autodéfense comme une possibilité. Même dans de tels moments, poursuit Funakoshi, vous ne devez montrer aucune intention d’attaquer, au contraire, vous devez permettre à l’attaquant de baisser sa garde. Ce n’est qu’à ce moment que vous devriez attaquer, concentrer toute votre puissance en une seule attaque sur un point vital et profiter de la surprise pour vous échapper et chercher refuge et aide. De là, je conclus que ce que me dit le Kyokun, c’est aussi qu’un combattant de karaté qui regarde et attend sans anxiété l’opportunité que son adversaire lui donne avant d’attaquer, sera plus proche de la victoire.
Pour finir, je veux partager avec vous une vieille histoire sur deux maîtres karatekas à Okinawa qui, je pense, décrit bien ma façon de voir ce précepte.
« Dans les premières années du karaté à Okinawa, il y avait deux maîtres de karaté dans deux villages voisins. Chaque village était très fier de son Sensei et bientôt une discussion a commencé pour savoir lequel des deux était le meilleur. Au fil du temps, cette discussion est devenue si fébrile qu’une confrontation entre les deux est devenue inévitable.
Finalement, les deux maîtres se sont retrouvés sur un terrain neutre et se sont affrontés. Les villageois ont attendu avec impatience le début de l’action. Les deux maîtres se faisaient face calmement, chacun attendant une opportunité, mais elle n’arriva jamais. Après ce qui semblait être une éternité, le combat fut déclaré nul et les villageois déçus rentrèrent chez eux frustrés.
Un étudiant d’un village, suivant son sensei chez lui, a finalement eu le courage de demander : ʺ Sensei, pourquoi ne t’es-tu pas battu? Qu’est-ce qui on peut conclure de cet situation? ʺ
Le sensei sourit : ʺ Nous avons réalisé que nous sommes tous les deux d’excellents karatéka. Nous avons tous les deux compris que le premier à attaquer perdrait sûrement. Ainsi, aucun d’eux n’était disposé à attaquer en premier. ʺ »
Quand les émotions montent, les poings descendent. Quand les poings se lèvent, les émotions se calment.
Par: Luis Salgado