En tant que professeur ou parent d’enfant, nous voulons intrinsèquement être aimés de ceux-ci, mais notre rôle en tant  qu’instructeur est d’enseigner. Si en plus de transmettre le savoir vous arrivez à vous faire aimer des jeunes, alors vous avez touché le gros lot.  

Le respect plutôt que la discipline

C’est après mes dix premières années d’enseignement que ma lanterne s’est éclairée à propos de la pédagogie des arts martiaux, car beaucoup d’écoles affichent tout haut “DISCIPLINE” dans leur publicité. Cependant, quand j’ai fait un sondage auprès de mes karatékas à savoir quel mot représentait le mieux le dojo, le mot respect était bien devant le mot discipline. Cela m’a amené à une introspection. J’ai alors d’une part réalisé que le respect est une valeur très ancrée chez moi, et que bien que mes élèves se font souvent louanger pour leur discipline, il est rare que je doive les discipliner. 

La carotte ou le fouet?

C’est alors que c’est devenu clair comme de l’eau de roche. Beaucoup de dojos instaurent une discipline de fer pour obtenir le respect des membres, tandis que dans mon cas, c’est tout autre. De plus, il faut comprendre que, non seulement le karaté est fondamentalement important pour moi, mais je l’enseigne aussi à condition de 3 à 6 heures par jour, 5 à 6 fois par semaine. De ce fait, si je dépensais une énergie fulgurante pour discipliner mes élèves continuellement en les grondant et en les réprimandant, je pense que ce serait désagréable à supporter. Tout pédagogue sait qu’il y a deux choix: la carotte ou le fouet. Sachez que le fouet est désagréable pour tous.

Démystifier les secrets de Renshi

Mais un secret persiste; vous vous demandez tous comment je fais. Tout part du savoir-vivre. Une fois que nous lui avons expliqué pourquoi il faut saluer en entrant dans le dojo (signe de gratitude), comment s’assoir, ce qu’est la courtoisie, l’étiquette, l’équité, l’empathie et plusieurs autres principes, c’est au karatéka de faire le bon choix vis-à-vis son comportement.  Pas parce ce choix lui est imposé, mais parce qu’il sait quel est le bon geste à poser en fonction des valeurs qui lui sont transmises. C’est ainsi que je bâtis le libre arbitre qui n’est effectivement pas commun à beaucoup de dojos, mais qui correspond parfaitement à notre réalité occidentale.

Maintenant, l’appliquer

Deuxième mystère: l’application de notre doctrine. Partons de la prémisse qu’inconsciemment chez les enfants tout se mesure en amour.  Prenons comme exemple le petit Mathieu, qui est très mal assis. Il y a deux options qui s’offrent à moi: je pourrais prendre une approche directe et lui signifier de façon très explicite qu’il devrait mieux s’assoir. La deuxième option serait de prendre un instant pour féliciter Olivier, son voisin immédiat, en le louangeant sur comment il est bien assis et en lui disant qu’il est un bon exemple. Ainsi tous les autres voudront également avoir l’attention /l’amour que je viens de porter à Olivier.

Maman, papa, attention aux pièges!

Par contre, il y a des chemins sinueux que les parents ont souvent tendance à emprunter, et ceux-ci ternissent la crédibilité des interventions. Prenons encore une fois comme exemple Mathieu, qui lance son ballon dans la fenêtre. Papa a deux choix. Première option: intervenir à maintes et maintes reprises en signifiant toujours à Mathieu que cet avertissement sera le dernier, mais dans ce cas, Mathieu ne sait trop bien qu’il y aura 5 ou 6 derniers avertissements. Deuxième option: établir une consigne claire et une conséquence claire. La constance crée un milieu dans lequel l’enfant se sent en sécurité, et même à travers la mise en application des consignes, l’enfant se sent aimé, et est heureux.

En conclusion

Bref, enseigner les arts martiaux est en soi un art.  Vous pourriez être le champion des champions, avoir un talent exceptionnel en karaté et, malgré tout, être un professeur très moyen. Nous qui arpentons la voie des arts martiaux et essayons de former les individus qui constitueront la société de demain, que préférons-nous pour ceux-ci? Qu’ils marchent droit car on leur a imposé? Ou parce, qu’ils savent au fond d’eux, qu’il s’agit de la bonne chose à faire ?